La compétence de chef de choeur est difficile à acquérir : aux connaissances musicales doivent s'ajouter les qualités relationnelles. Et la pratique de la direction, qui s'acquiert en partie "sur le tas", doit tenir compte du type de chorale que l'on dirige : maîtrise, choeur d'adultes... ou chorale de collège.
Une chorale de collège est-elle véritablement un choeur ?
La chorale de collège est un lieu de vie musicale.
C'est au cours d'éducation musicale que les exigences musicales de base, les méthodes de travail et les premiers acquis se forgent.
La chorale en est le prolongement logique par le travail de répertoires plus riches et l'aventure collective exaltante de créer son spectacle musical.
Le chef de choeur doit être un animateur apprécié.
Ce charisme indispensable est l'aboutissement d'une capacité relationnelle bien comprise : ni tyran, ni copain, mais adulte responsable, attentif et rayonnant. Certains l'ont d'emblée, d'autres doivent patiemment le construire.
C'est savoir conduire un apprentissage polyphonique
- connaissance approfondie de la partition dans toutes ses composantes (musicales, littéraires et linguistiques, stylistiques...)
- démarches d'apprentissage réfléchies (acquisitions rythmiques et mélodiques spontanées, polyphonie construite sur la sensibilité plus que sur des capacités de lecture, structure formelle acquise intuitivement...)
- capacité à mener cet apprentissage à l'écoute constante du choeur.
C'est interpréter une oeuvre en agissant sur tous les paramètres vocaux ou musicaux
- au fur et à mesure des acquisitions jusqu'au stade ultime de l'exécution finale, le chef doit intervenir par le seul geste sur la musique (métrique et tempo, style, dynamique et nuances...) et la qualité sonore (justesse, articulation, couleur vocale, expression...).
- entendre, rectifier et être compris sont les préoccupations majeures pour conduire une interprétation.
C'est développer dès l'apprentissage une gestuelle appropriée
- habituer le choriste à "suivre le chef" et l'installer rapidement dans une capacité à réagir au plus petit mouvement.
- faire du regard le centre de la gestuelle ; parler le moins possible : seuls les exemples vocaux peuvent accompagner la gestuelle.
Quelques écueils à éviter !
- le "rabâchage" d'un passage sans avoir recours à des variantes d'apprentissage ;
- le travail des voix séparées sans la mise en place progressive de la polyphonie ;
- le déchiffrage de la partition ou des paroles sans imprégnation préalable de la musique ;
- chanter avec les choristes ce qui empêche de les écouter.
Que dirige-t-on ? un choeur professionnel, une chorale de collège, un ensemble instrumental amateur ou très performant ? A chaque fois, cela change la donne et il convient de savoir "où l'on met le bras !".
La stricte battue métrique du type battue de mesure normale ou décomposée est utile avec une formation instrumentale ou dans une oeuvre bien carrée. Elle ne permet pas d'assurer ce dont un choriste a besoin en plus du repérage rythmique : la posture vocale (attaque d'un son, longue tenue, intervalles mélodiques ascendants ou descendants liés au maintien du diapason...) ou l'expression vocale (articulation, nuance... ).
La direction "intuitive" ou figuraliste traduisant en arabesques plus ou moins lisibles les courbes musicales ou les éléments de dynamique conforte souvent un choeur dans ses élans émotionnels mais désarçonne tout instrumentiste chargé d'accompagner, celui-ci préférant alors ne plus regarder le chef !
Une direction mixte s'appuyant sur une battue de la main droite et des indications liées à la sensibilité et à la dynamique pour la main gauche satisfait tout le monde... sauf le chef de choeur qui devra beaucoup travailler pour acquérir cette technique et discipliner dans un état d'indépendance maîtrisée ses membres supérieurs.
Ce qui peut aider à progresser :
situer la battue métrique à hauteur du bas de la poitrine ;
travailler l'indépendance des mains ;
s'observer dans une glace en recherchant l'aisance corporelle ;
réduire la gestuelle au minimum.
Ce qu'il vaut mieux éviter :
toute gesticulation d'autant plus véhémente que le tempo est vif ;
une battue excessive sur une musique statique ;
toute gestuelle trop en l'air ou en profondeur.
Le chef de choeur doit assurer de multiples tâches qui relèvent du domaine musical, mais aussi de la gestion du groupe, particulièrement prenante pour une chorale de collège. Face aux élèves qu'il dirige, il ne doit pas perdre de vue les objectifs essentiels.
Mettre les choristes en confiance et gagner leur adhésion par le regard, l'expression invitante mais aussi décidée, donnant l'impression de sûreté (même si on n'est pas si sûr que ça !).
S'assurer qu'on voit aussi bien qu'on est vu, que tout le monde est prêt (quelques secondes de perdues avant l'exécution sont moins dommageables qu'un "cafouillis" constant tout au long de l'oeuvre ou un arrêt d'urgence !).
Assurer les départs en vérifiant l'intonation sans pour autant faire "bêler" la note de départ (ou la justesse des instruments même s'ils se sont accordés), et en s'assurant par un geste préalable discret que le tempo est bien perçu (sans battre une ou plusieurs mesures pour rien...).
Exiger et corriger, par une attention soutenue à ce que produisent les choristes, partant du principe que rien n'est assuré et que tout reste à construire.
Un tempo trop lent s'accélère par des gestes plus petits et plus précipités, légèrement en avance sur la musique, un tempo trop rapide se ralentit en donnant plus d'ampleur aux gestes et en ralentissant raisonnablement.
Une nuance forte doit éviter un geste trop brutal qui engage à crier. La nuance piano ne l'est jamais assez... Le diapason doit être une préoccupation constante, car quand on s'aperçoit d'une baisse, c'est souvent trop tard pour la modifier.
Interpréter, ce n'est pas seulement "battre la mesure", mais focaliser l'attention de tous sur ce que désire le chef.
Il doit vivre intensément la musique et le rendre visible sans pour autant céder à des gestes trop spectaculaires (cf. Le Chef d'Orchestre par le dessinateur humoriste Hoffnung). Le style est essentiel et Un jour, à Cuba... ! ne se dirige pas comme les Carmina Burana ! : si le déhanchement dans l'un est naturel, dans l'autre il devient grotesque. Pour les débutants, la sobriété est toujours préférable.
Saluer est un exercice parfois scabreux, révélateur d'un trop grand contentement de soi aussi bien que d'une insatisfaction honteuse. Accepter l'ovation même si on ne la considère pas méritée, et surtout, ne pas régler à ce moment les différents avec les musiciens ou les choristes...
Chacun son style,
mais pour tous est de mise l'humilité de l'artisan
qui n'a fait que son travail.
Bravo ! Bravissimo !