L'EDUCATION MUSICALE AU COLLEGE

(info-musicollège n°8 - mai 2002)

Composé d'activités d'écoute, de pratiques vocales, instrumentales et créatives, le cours d'Education musicale déborde d'un temps trop limité, amputé fréquemment par les aléas de la vie scolaire.
Les multiples activités que doivent conduire les professeurs, la variété des publics scolaires auxquels ils sont confrontés et le désir légitime de répondre à l'attente des élèves donnent le sentiment d'un foisonnement pédagogique, difficile à maîtriser.
Y a-t-il des principes pédagogiques incontournables pour réussir ?
Comment faire pour tout faire ?
Le besoin de changer, d'essayer, de varier, n'est-il pas légitime ?

Cet article fait la synthèse des analyses pédagogiques qui ont présidé à l'élaboration de la collection Musicollège : il se fonde sur la nature profonde de la musique, les obligations pédagogiques qui en découlent et relève les différentes contraintes à satisfaire pour dispenser un enseignement réussi.
Il présente d'abord ce qui constitue les règles fondamentales de la pédagogie musicale au collège pour une mise en oeuvre simple et efficace des activités de base :

chanter, écouter, jouer.

Il aborde ensuite les questions posées par la manière d'articuler ces trois activités avec les nombreux exercices possibles qui en découlent, et examine les différents choix qui se présentent au professeur pour faire

lire, écrire, inventer,

ainsi que les différentes possibilités d'organisation pour mettre en oeuvre sa pédagogie dans les domaines

des progressions,
du choix des supports,
de l'évaluation.


Voici répertoriées les différentes questions abordées, concernant l'éducation musicale au collège :
1. L'enseignement musical est délicat.
2. L'acquisition d'un répertoire est prioritaire.
3. Le répertoire est la matière première de l'enseignement.
4. Le langage musical est la clé de l'enseignement.
5. L'écoute est l'activités symétrique de la pratique vocale et instrumentale.
6. L'unité de cours permet de relier les activités entre elles.
7. Invention et création renforcent la compréhension.
8. Les accompagnements contribuent à construire à la musique.
9. Une bonne gestion du temps permet d'être plus efficace.
10. Évaluer c'est aussi enseigner.
11. Les pratiques collectives dynamisent l'enseignement obligatoire.

1 - L'enseignement musical est délicat

Il fait appel à de nombreuses exigences (discipline, concentration, capacités techniques dans les activités vocales et instrumentales... et sa pratique collective (même note au même moment) réclame des obligations de résultats qui n'ont pas le même poids pour les activités d'écoute, de compréhension ou d'invention. D'où la tentation de limiter cette pratique, pourtant passage incontournable de toute éducation musicale.

Sa réussite est liée au plaisir musical partagé par l'interprétation collective réussie d'un répertoire vocal et instrumental adapté.

Sa maîtrise est subordonnée à l'aisance musicale du professeur :
faites de la musique !

2 - L'acquisition d'un répertoire est prioritaire

Il doit être constitué de textes substantiels, clairement composés pour en permettre une perception et un apprentissage aisés, adaptés à la psychologie et aux possibilités de la classe.
La constitution d'un répertoire ne se limite pas au choix : il faut avoir aussi assimilé les chants et oeuvres retenus pour guider avec sûreté les élèves.
Cette assimilation est spécifique à la musique dont la connaissance mémorisée est indispensable si l'on veut en percevoir naturellement le déroulement et la structure.

Une bonne connaissance du répertoire facilite l'apprentissage des huit chants et l'étude des six oeuvres principales à réaliser dans l'année.

La qualité de l'enseignement est subordonnée à la qualité du répertoire.

L'apprentissage du répertoire s'effectue essentiellement par transmission orale.
Fondé sur un dialogue en imitation entre le professeur et les élèves, il repose sur une appréhension naturelle de la musique par un découpage issu de la structure de chaque phrase, et pour l'écoute par la mémorisation de chaque partie.

La maîtrise des apprentissages conditionne la capacité à enseigner.

3 Le répertoire est la matière première de l'enseignement

L'appropriation d'un répertoire de chants, de textes rythmiques et mélodiques et d'extraits d'oeuvres musicales doit être exploitée sur les plans de :
- l'acquisition d'un vocabulaire ;
- l'identification de mots musicaux ;
- la technique vocale, celle du geste et de l'instrument, nécessaires dans un enseignement collectif ;
- la manipulation et la création musicale... quand on le peut !

Compréhension et exercices s'effectuent après les apprentissages.

L'assimilation du langage musical ou l'écoute approfondie d'une oeuvre doivent prendre appui sur des musiques pratiquées et mémorisées. Ce travail nourrit la pratique et contribue à la formation des élèves.

Sans acquisition, il n'y a pas d'enseignement.

4 - Le langage musical est la clé de l'enseignement

Le langage musical est de type discursif, c'est-à-dire qu'il raconte ; comme tous les langages de ce type, il se parle d'abord, puis se lit, enfin s'écrit.
Parce qu'il se déroule dans le temps, son assimilation repose, comme pour tout apprentissage, sur la mémoire. C'est pourquoi tous les textes musicaux font appel si fréquemment au "par coeur".
Sa connaissance, d'abord instinctive puis consciente, est indispensable pour une pratique aisée de la musique.

Son apprentissage s'effectue selon une progression linguistique : classés par famille, les mots musicaux se génèrent les uns les autres pour s'organiser à l'intérieur de phrases puis de formes simples.

La progression linguistique détermine la progression des acquisitions.

5 - L'écoute est l'activité symétrique de la pratique vocale et instrumentale

Elle repose en premier lieu sur une cohérence thématique annuelle (par exemple les formations en classe de 6ème) inscrite elle-même dans une cohérence globale sur les quatre années de formation au collège.
Le choix des oeuvres ou extraits doit permettre l'approche des musiciens et des compositions les plus significatives.
L'étude approfondie de six oeuvres ou extraits peut être complétée par l'écoute ponctuelle d'oeuvres périphériques pour le plaisir.

Elle permet de réinvestir les éléments de langage musical connus des élèves (moins souvent d'en apprendre de nouveaux), pour une meilleure connaissance des oeuvres étudiées.

L'efficacité de l'activité d'écoute est subordonnée à la cohérence clans le choix des oeuvres.

6 - L'unité de cours permet de relier les activités entre elles

La progression détermine les différentes étapes d'acquisition : progression linguistique pour la pratique musicale, progression culturelle pour les activités d'écoute.
Ces parcours verticaux doivent trouver des points communs à l'intérieur d'une même leçon de manière à conserver le même climat musical pendant une séquence d'enseignement.
Car c'est la progression linguistique liée à l'apprentissage du langage musical, (au travers notamment de textes instrumentaux conçus à des fins pédagogiques), qui détermine le parcours fondamental.

En choisissant si possible des chants et des oeuvres dans le même type de langage (majeur, binaire 3 temps, par ex.), l'enseignement gagne en cohérence.

Les progressions apportent la cohérence dans le temps ;
l'unité de cours assure la cohérence du moment.

7 - Invention et création renforcent la compréhension

On ne sait bien les choses qu'en les faisant soi-même. Et chacun mesure la distance qui sépare la capacité d'enchaîner deux accords et leur exploitation naturelle dans l'accompagnement d'un chant.
Invention et création reposent d'abord sur un état d'esprit : l'attrait pour une interprétation vivante de la musique. Il s'agit de donner :

- le goût d'une interprétation personnelle et expérimentale de ce que l'on chante ou joue par la modification du tempo, des nuances ou l'organisation d'un dialogue ;
- l'habitude de l'improvisation pour canaliser le débit musical ;
- l'envie de manipuler la musique en ajoutant des reprises, en changeant l'ordre des phrases ou en reprenant une période comme introduction ou coda ;
- le sens des enchaînements en reliant deux mots musicaux préalablement étudiés et mémorisés dans un sens ou dans l'autre.

Les exercices d'invention et de création se heurtent au manque de temps et à une gestion collective de la classe. Ils peuvent toutefois être abordés dans leur aspect le plus simple, celui de l'interprétation, pour atteindre ce qui fait l'essence de la musique : la spontanéité.

La technique est aux apprentissages
ce que la création est à l'interprétation.

8 - Les accompagnements contribuent à construire la musique

L'usage du clavier facilite les apprentissages en donnant une assise rythmique et en développant la maîtrise des enchaînements.
Il donne du sens à la mélodie par l'enveloppe harmonique dont il la revêt, apporte la dimension formelle par les introductions et réponses qu'il assure.
Les accompagnements orchestraux sensibilisent aux différents styles et accroissent les capacités d'écoute.
Ils apportent aux élèves les moyens d'une interprétation artistique réussie.

L'aide apportée par l'utilisation du clavier ne doit pas supprimer le travail a cappella. L'emploi des accompagnements orchestraux représente la phase ultime de l'interprétation.

A toutes les époques et pour tous les sigles,
les accompagnements font partie intégrante de la musique.

9 - Une bonne gestion du temps permet d'être plus efficace

Le retour régulier des cours et exercices est le seul moyen de structurer l'esprit des élèves, de développer leur savoir-faire et de réinvestir, par la mémoire, leur savoir.
Il faut donc chanter, jouer, écouter à chaque cours. Quelques minutes consacrées chaque semaine à un exercice sont plus profitables qu'une séance annuelle de trois heures.
L'organisation des activités en tuilage permet de réaliser cet équilibre dans des conditions réalistes de travail en programmant si possible pour chaque leçon :
- une activité nouvelle (20-25'),
- une activité d'approfondissement (20'), et
- une activité d'interprétation, de révision ou de préparation à la leçon suivante (doigté de flûte, écoute non commentée, présentation d'un nouveau chant, etc.).

L'organisation des activités en tuilage permet d'aborder environ 1 chant, 1 écoute et 1 pièce instrumentale chaque mois. Elle facilite l'élaboration d'un répertoire que l'on aura plaisir à interpréter, développe la mémoire et consolide les savoir-faire.

Une gestion logique du temps donne aux élèves les repères indispensables de formation.

10 - Evaluer c'est aussi enseigner

Plus souvent formative que sommative, l'évaluation doit prendre en compte sans les confondre les différents types d'activités.
Elle doit reposer sur des indicateurs soigneusement définis et connus des élèves ; donner, sans négliger l'écrit, une place importante à l'oral et s'intégrer dans le déroulement naturel du cours.
L'évaluation écrite, toujours courte, sollicite les élèves sur la connaissance de termes techniques, leur capacité à écrire la musique ou à commenter un extrait d'oeuvre entendu.
L'évaluation orale mesure les capacités vocales et instrumentales, les aptitudes rythmiques et inventives.

Pour placer les élèves en confiance dans une prestation orale qui peut les intimider, on peut les interroger par groupes de deux ou trois et solliciter la classe par un dialogue entre le groupe interrogé et les autres.

Délicate à mettre en oeuvre, l'évaluation permet
de mesurer les compétences acquises,
d'encourager les élèves dans leurs efforts
et de vérifier la pertinence de l'enseignement dispensé.

11 - Les pratiques collectives dynamisent l'enseignement obligatoire

Chorales et ensembles instrumentaux ne cessent de se développer dans les établissements : aboutissement naturel de l'enseignement obligatoire qu'elles vivifient, ces pratiques collectives sont l'occasion d'un travail approfondi où se retrouvent élèves, professeurs de plusieurs disciplines et artistes. Elles apportent aux élèves une authentique expérience artistique et donnent aux professeurs l'occasion de poursuivre leurs pratiques personnelles.

Elles offrent un lieu unique de rencontres, d'échanges et de formation entre enseignants ; elles développent chez les élèves le sens de l'effort, l'écoute des autres et apportent la satisfaction de réussir un projet artistique.

Caisse de résonance de l'éducation musicale, les pratiques collectives apportent aux élèves le plaisir musical partagé.

© Editions Van de Velde | Sommaire | Accueil